«Qu’est-ce qu’un classique?» C’est la question qui sert de point de départ au spectacle à la fois drôle et grave de Mani Soleymanlou et Fanny Britt, à l’affiche, au Théâtre du Nouveau Monde. Sur scène, huit comédiens dont, Martin Drainville, Kathleen Fortin, Benoit McGinnis, Julie Le Breton et Madeleine Sarr se questionnent sur leurs rapports aux classiques. Des répliques d’Hamlet, Antigone et Oncle Vania, entre autres, sont mises en lien avec la réalité d’aujourd’hui et ce, souvent de façon insolente.
En fait, tout le monde finit par passer à la caisse, devant un tribunal sarcastique où Martin Drainville incarne un juge désopilant! D’ailleurs, les artistes goûtent aussi au cynisme du tandem Britt-Soleymanlou, dans un numéro tordant qui parodie vraisemblablement l’émission En direct de l’univers.

En plus de cosigner le texte de Classique(s) et d’assurer la mise en scène du spectacle, Mani Soleymanlou endosse divers rôles. Entre autres, il ouvre le bal, avec un prologue qui cite un texte québécois des plus irrévérencieux, où Robert Gravel raconte la naissance du théâtre inventé par des gorilles.
Puis, chacun des comédiens énumère des exemples de classiques: Vivaldi, la bûche de Noël, Dodo et Denise, Laurel et Hardy, Casse-Noisette, etc. On cherche à comprendre la nature de ce qui devient un classique et la fonction de ce statut. Les classiques servent-ils, ultimement, certains intérêts, certains acteurs de la société?
Pourquoi se reconnaît-on dans plusieurs scènes du grand répertoire théâtral? Comment expliquer que la première phrase du monologue d’Hamlet, «Être ou ne pas être», résonne encore aujourd’hui, plus de 400 ans après la mort de Shakespeare ?
Cela dit, puisque l’histoire de l’humanité se poursuit, sommes-nous en train d’écrire des scènes classiques de demain, entre autres, à travers les actions du président américain Donald Trump?

Le procès de l’Humanité
Au procès de l’Humanité, insatisfaite de son sort, on fera témoigner l’Indignation (Louise Cardinal) et le Cynisme (Benoit McGinnis).
Bien que blasé et impatient d’être libéré pour le dîner, le juge (Drainville) demande si l’Espoir est présent dans la salle. Mais, sait-on seulement de quoi l’espoir a l’air se demandent les procureurs.
Quoi qu’il en soit, les lamentations des plaignants sont taillées en pièces dans ce tribunal qui renvoie à la foule, ses propres injustices et paradoxes.
À cette pétillante équipe de comédiens s’ajoutent trois musiciens complices de l’insolence ambiante. L’autodérision atteint son paroxysme dans un numéro où Benoit McGinnis est l’invité spécial d’une émission de variétés. Ses amis viennent alors interpréter des chansons pour lui dont I Will Survive, livrée par l’impayable Kathleen Fortin qui se déhanche dans sa robe scintillante.
De son côté, Jean-Moïse Martin y va d’un intense numéro de danse que l’animatrice et son invité observent, en lançant sporadiquement des regards admiratifs à la caméra.
Le public s’est bidonné, en ce samedi après-midi, devant cette parodie de la culture du divertissement où l’artiste est, tour à tour, acteur, poète et amuseur public. Une scène cynique et remarquablement rythmée. Du Soleymanlou tout craché!

Cela dit, ce spectacle est un peu long. Classique(s) dure deux heures sans entracte. Mais, on ne s’ennuie pas, allant de rebondissements en rebondissements, portés par des acteurs souvent éblouissants! L’humour n’est jamais gratuit. Il est accompagné d’un appel à la réflexion, voire, à l’instrospection.
Enfin, des mots empruntés à Oncle Vania de Tchekhov nous laissent sur une note d’espoir plus que bienvenue par les temps qui courent.
Classique(s)
Texte: Fanny Britt et Mani Soleymanlou
Mise en scène: Mani Soleymanlou
Au Théâtre du Nouveau Monde, jusqu’au 10 avril.
Classique(s) sera ensuite à l’affiche du Centre national des Arts, du 24 au 26 avril et au Diamant, du 30 avril au 2 mai.
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