On aurait pu entendre une mouche voler dans la Cinquième Salle de la Place des Arts, en ce jeudi soir de première montréalaise de la pièce Fille de trans. Avec simplicité et humour, l’autrice Marie-Claude D’Aoust raconte elle-même, sur scène, le choc qu’elle a vécu, lorsque son père a décidé de devenir une femme. En donnant la réplique au comédien Éric Cabana qui joue le rôle de celui qui deviendra «sa papa», la jeune femme ne cache pas son questionnement face à la transidentité. Mais, elle nous révèle comment elle est arrivée à dépasser le stade de l’incompréhension.
Quand Normand devient Sophia…
Née dans une famille de trois enfants, Marie-Claude raconte qu’elle a vécu une vie «normale» durant sa jeunesse. Comme tant d’autres, ses parents ont divorcé. Puis, malgré le caractère bouillant de son père, Normand (Cabana), elle a décidé d’aller travailler sous sa direction, dans le domaine de la programmation artistique, au Festival de montgolfières de Gatineau.
Et voilà qu’à son grand étonnement, elle apprend que cet homme viril «s’habille en femme»! Le principal intéressé ne tardera pas à confirmer la rumeur, en portant une perruque et une robe et en commençant à se présenter comme étant Sophia.
Déstabilisée, Marie-Claude se réfugie temporairement dans le déni mais, elle va tout de même tenter d’expliquer la situation à son conjoint et éventuellement à leurs deux jeunes enfants. Elle doit aussi écouter les doléances de ses collègues de travail qui n’arrivent pas à accepter que Norm vive désormais en femme.
Les personnages secondaires de la pièce sont joués par Audrey Guériguian, dans une mise en scène efficace et sans fla-fla de Yann Tanguay. Quant à la musique originale de Christian Thomas, elle ajoute une dose de dynamisme aux dialogues.
Cela dit, il y a eu des ratés, en ce soir de première. Entre autres, on a perdu le début de plusieurs répliques, parce que les microphones des comédiens n’étaient pas ouverts à temps. De plus, Marie-Claude D’Aoust a dû s’interrompre au cours d’une de ses premières interventions. Nervosité? Émotion? Heureusement, cela ne la pas empêchée de retomber sur ses pattes!
«Ma papa»
Au cœur du drame de la protagoniste, il y a la perte du père, celui qui lui chantait avec sa voix grave et rassurante, «La poulette grise», lorsqu’elle était enfant. Cet homme n’existe plus, car il est devenu une femme transgenre.
Quant à Sophia, elle parle avec plus de douceur que Normand mais, qui est-elle au juste? Cette femme que je ne connais pas, je ne peux l’appeler maman, dit Marie-Claude, car j’ai déjà une mère. Alors, puisque Sophia était à l’origine, son géniteur, elle l’appellera «ma papa».
En plus d’avoir à faire son deuil d’un être cher, il lui faudra des années pour apprendre à composer avec le regard des autres qui ne cachent pas leur malaise ou leur mépris face à Sophia. Au bout du compte, la Fille de trans en arrive à la conclusion que le plus important est que son père soit heureux et que la transidentité ne l’empêchera pas de continuer de l’aimer.
Enfin, on ne s’ennuie pas dans ce spectacle bien écrit et dont le propos sort des sentiers battus. Marie-Claude D’Aoust qui a étudié en interprétation théâtrale, habite la scène durant 90 minutes sans temps mort.
La Fille de trans réussit à toucher le public avec son poignant témoignage, dans une pièce autobiographique percutante!
Fille de trans
Texte : Marie-Claude D’Aoust
Mise en scène : Yann Tanguay
Comédiens : Marie-Claude D’Aoust, Éric Cabana et Audrey Guériguian
À la suite de la première montréalaise du 17 octobre, à la Cinquième Salle de la Place des Arts, Fille de trans sera présentée, entre autres, au Grand Théâtre de Québec, le 17 décembre.
Voir les autres dates de la tournée de Fille de trans.
*Photo tirée de la page Facebook de Marie-Claude D’Aoust
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