I Musici de Montréal: Russe et Ukrainien réunis au coeur de la résilience

Grande musique et émotions palpables, jeudi soir (28 novembre), à la Salle Pierre-Mercure, où I Musici de Montréal présentait le premier concert de sa saison qui a été amputée de plus de la moitié, à cause de problèmes financiers. Cette soirée, portée par la résilience d’une équipe soudée, était axée sur la rencontre de deux artistes de renommée internationale, soit, le chef d’orchestre ukrainien Maxim Rysanov et le pianiste russe Denis Kozhukhin. Au programme: l’inépuisable Mozart et quelques pièces de Silvestrov, figure de proue de la création musicale ukrainienne.

Maestro Maxim Rysanov et I Musici de Montréal / Crédit: Isabelle G PixZabelle

La quinzaine d’instrumentistes d’I Musici se serrent les coudes pour traverser la crise et cela se sent. D’une part, Julie Triquet, violon solo, a pris la parole, en début de soirée, pour résumer ce qui l’a convaincue d’accepter le poste de présidente du conseil d’administration de cet orchestre de chambre, fondé il y a plus de quatre décennies par Yuli Turovsky. Il faut faire preuve de détermination devant l’adversité, dit elle: «Ça fait quarante ans que nous réussissons et ensemble nous réussirons!»

Ce sentiment d’urgence aura sans doute contribué à l’esprit de ce concert, où le courant semblait passer tout naturellement entre les instrumentistes et maestro Rysanov qui est aussi reconnu comme altiste.

L’Adagio et fugue en do mineur K. 546 de Mozart aura servi, en quelque sorte, d’exercice de réchauffement dans ce concert qui a véritablement commencé avec le Concerto pour piano no 18 du célébrissime compositeur autrichien.

Décontracté, Kozhukhin s’installe au piano assis sur une chaise et non pas sur un banc comme c’est la coutume. L’artiste de 38 ans, qui a remporté le premier prix du Concours musical international Reine Élisabeth de Belgique, en 2010, n’est pas homme à multiplier les gestes spectaculaires pour épater la galerie.

Dans un esprit méditatif, il écoute le premier thème de l’Allegro vivace, introduit par les cordes. Le moment venu, le pianiste entre délicatement dans cette féerie mozartienne; il revisite les thèmes déjà joués, dans une passionnante conversation avec l’orchestre, où un remarquable groupe de vents se distingue.

Aussitôt terminé, ce premier mouvement est applaudi par une partie du public. Visiblement agacé, le chef d’orchestre lève spontanément les yeux au ciel. Le maestro devra s’y faire car plusieurs spectateurs applaudiront ainsi chaque partie des oeuvres au programme, ce qui mine la concentration des musiciens et des mélomanes.

Empreint de poésie l’Andante, tout en nuances, reflète l’élégance du geste de Kozhukhin. La grande maîtrise de son instrument se traduit, entre autres, par la beauté du son qui traverse le deuxième Allegro vivace.

Chaleureusement applaudi, le Russe offre en rappel, le Prélude en mi mineur BWV 855 de Bach arrangé par Alexandre Siloti. Chose rare, le chef d’orchestre revient sur scène tout simplement pour écouter attentivement cette pièce jouée en solo par Kozhukhin.

Le Messager

Cela dit, à mon sens, le clou de la soirée nous attendait après l’entracte, avec Le Messager de Valentin Silvestrov, un morceau qui s’est imposé, depuis la parution de son enregistrement par Hélène Grimaud, chez Deutsche Grammophon, en 2020. Précédée de quelques effets sonores électroniques, cette pièce pour piano solo et cordes nous transporte dans un univers vaporeux, où on a l’impression d’être emporté par des volutes de fumée.

Or, l’interprétation d’I Musici ne donnait pas la pleine mesure de l’effet d’apesanteur recherché. Le mystère cédait la place aux interventions peut-être trop marquées du violon de Julie Triquet qui éclipsaient parfois celles du piano. Cela dit, on se réjouit d’avoir enfin entendu en concert cette musique d’une grande finesse et qui a des allures de morceau cinématographique avec des échos mozartiens.

Le Messager peut d’ailleurs s’avérer une excellente entrée en matière pour se familiariser avec l’univers du compositeur ukrainien.

Cliquez ICI pour écouter The Messenger de Silvestrov, interprété par H. Grimaud

I Musici de Montréal à la Salle Pierre-Mercure, le 28 novembre 2024 / Crédit: Isabelle G PixZabelle

Du même compositeur, on a aussi entendu Musique silencieuse. Difficile de se laisser imprégner par ces trois courtes pièces pour piano et cordes, entrecoupées de textes poétiques dits en anglais par Rysanov.

Puis, pour terminer la soirée, I Musici a offert la Symphonie no 33 de Mozart. Avec la direction plutôt réservée que Rysanov donne à l’oeuvre, on demeure assez loin de la fougue de Pinnock avec The English Concert, par exemple. Les tempos plus lents de Rysanov n’empêchent pas une légèreté gracieuse de se propager jusqu’au dernier mouvement.

Enfin, ce concert, réussi dans l’ensemble, a été présenté devant un parterre bien rempli, alors qu’on avait annoncé in extremis, un rabais de 40% sur le prix des billets.

Concert de Noël 

Le prochain rendez-vous d’I Musici sera le Grand concert de Noël, avec la soprano Anna-Sophie Neher, les Petits chanteurs du Mont-Royal et le trompettiste Stéphane Beaulac, à l’église St. Andrew & St. Paul, le 22 décembre à 16h. Direction: Jean-François Rivest.

Pour voir les détails de la saison remaniée d’I Musici de Montréal, c’est ICI. 

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