Une Ontarienne qui donne un spectacle presqu’entièrement en français aux Francos de Montréal, on ne voit pas ça tous les jours! C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles Jill Barber, qui vient de lancer un deuxième album dans la langue de Molière, a été accueillie si chaleureusement, ce soir (16 juin), au Studio TD. Accompagnée d’un trio (piano, guitare, basse), l’interprète donne des couleurs jazz à des classiques de Trenet, Piaf, Barbara et quelques fleurons de la chanson québécoise.
Drôle de dame!
Dès les premiers accords de Petite fleur (Sidney Bechet), les quelques centaines de spectateurs présents s’enthousiasment, comme s’ils retrouvaient une amie. Il faut dire que Gillian Grace Barber a commencé à faire sa marque chez nous, il y a une quinzaine d’années et elle s’en souvient.
«Lors de mon premier spectacle au Festival de Jazz de Montréal, j’avais fait une seule chanson en français: Petite fleur. Quinze ans plus tard, ce soir, je vais faire une seule chanson en anglais!» Sourire aux lèvres, elle résume ainsi son parcours, en nous replongeant dans la nostalgie de Chances, chanson-titre de son album de 2008. La magie de Jill se propage! On roule déjà des épaules au son de ce slow saccadé, un peu à la façon de Put your head on my shoulder (Paul Anka).
Même si ses présentations s’étirent, car elle s’exprime plutôt laborieusement en français, cela ne freine en rien l’enthousiasme de ses admirateurs qui l’aident à trouver ses mots.
«J’ai très peur!», confie-t-elle, avant d’entonner un hymne de l’icônique Piaf. Malgré ses craintes de se mesurer à la môme, elle sait nous entraîner sur le rythme ensorcelant de Padam, padam. En fait, tout lui réussit devant ce public québécois inconditionnel qui avait reçu comme une déclaration d’amour, le premier album en français de madame Barber, en 2013.
À cette époque, la chanteuse s’était même produite au Métropolis (ancien nom du MTelus). J’y étais. C’était un soir de match des éliminatoires entre le Canadien et les Sénateurs et elle avait fait rigoler les spectateurs en leur demandant: «Qu’est-ce que vous faites ici? Vous n’aimez pas le hockey?»
Pince-sans-rire, elle arrive toujours à se tirer d’affaire, même devant les embûches de prononciation des paroles de Ménilmontant. Elle omet toutefois le savoureux passage où Trenet s’en donnait à coeur joie avec «La midinette fait sa dînette au bistro La pipelette lit ses journaux»
Dans un tout autre registre, la quadragénaire nous offre une relecture d’un titre emblématique de Robert Charlebois enregistré en 1971 et qu’elle a découvert dernièrement: Ordinaire. Alors que le piano est présent dès les premières mesures de la version originale, ici, la chanson commence comme un murmure, accompagné du délicat picking de guitare de Nathan Hiltz, le conjoint et père des deux enfants de madame. Une version qui, sans jeu de mots, sort de l’ordinaire!
Cela dit, Le mal de vivre (Barbara), Nuages (Django Reinhardt), Que reste-t-il de nos amours? (Charles Trenet), Parlez-moi d’amour (Jean Lenoir), etc., sont moins étoffées sur scène que sur l’album Encore! que Barber vient de lancer, où elle est appuyée par de riches orchestrations.
Et puis, est-ce une bonne idée de projeter un film français en noir et blanc sur grand écran à l’arrière-scène durant tout le spectacle? Les aventures de Nana du film Vivre sa vie (1962) de Jean-Luc Godard finissent par détourner notre attention.
On a aussi remarqué que la sono n’était pas toujours optimale en ce soir de retrouvailles avec cette artiste qui n’a pas une voix particulièrement puissante et étendue. Par contre, ses interprétations souvent originales et sa désinvolture ont pour effet qu’on ne voit pas le temps passer en sa compagnie.
Quand les hommes vivront d’amour s’avère un autre temps fort de la soirée. Il y a plus de dix ans déjà, Jill est tombée sous le charme de cette immortelle de Raymond Lévesque qu’elle a enregistrée, dans le but, entre autres, de la faire découvrir aux Canadiens. Difficile de dire si elle a atteint cet objectif mais, ce qui est clair, c’est que sa radieuse présence aux Francos de Montréal est ni plus ni moins qu’un pied de nez aux deux solitudes.
Jill Barber / Encore! était présenté au Studio TD, le 16 juin, dans le cadre des Francos de Montréal.
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