L’illustre chef d’orchestre et gambiste, Jordi Savall, était de retour à la Maison symphonique, ce soir (7 octobre), avec des musiciens et chanteurs de ses ensembles Hespèrion XXI et La Capella Reial de Catalunya. Le musicien espagnol, maintenant âgé de 83 ans, s’est avancé lentement sur scène, en s’appuyant sur une canne.
Ce maître de musique que le grand public a découvert grâce à la trame sonore du film Tous les matins du monde, nous a entraîné dans un programme réunissant, principalement, des oeuvres de Monteverdi. Grande musique et grands interprètes et pourtant… une certaine monotonie s’est immiscée dans ce concert.
Voir Jordi Savall sur scène est un évènement en soi. Cet érudit qui a joué un rôle déterminant pour le renouveau de la musique de la Renaissance et de la musique baroque est à lui seul une sorte d’encyclopédie vivante.
Sans prononcer un seul mot, pas même bonsoir, l’octogénaire ouvre la soirée avec une pièce instrumentale de l’Allemand Samuel Scheidt qui a vécu sensiblement à la même époque que Claudio Monteverdi (1567-1643). On savoure déjà la sonorité et l’harmonie des cinq musiciens d’Hespèrion XXI.
Puis, des oeuvres d’une grande beauté de ce compositeur italien sont interprétées par cinq chanteurs de La Capella Reial de Catalunya, en commençant par le madrigal Lamento d’Arianna, a 5. Parmi eux, on remarque surtout la puissante voix de basse de Salvo Vitale et la formidable présence scénique du ténor Ferran Mitjans.
Alternant entre des pièces chantées et instrumentales, on passe ensuite à d’élégants morceaux de l’Anglais Anthony Holborne, dont The teares of the Muses, source d’inspiration du titre de ce concert : Les Larmes et le Feu des Muses.
Toujours dans un esprit de recueillement, on reviendra à des madrigaux de Monteverdi, en alternance avec des pièces de John Dowland.
À vrai dire, une certaine lassitude s’installe, alors qu’une grande partie du public ne sait plus trop quelle oeuvre on joue, puisqu’on n’a pas imprimé suffisamment de programmes.
Il n’y a pas non plus le moindre surtitre pour aider les spectateurs à comprendre ce qu’on leur chante. C’est comme si on tenait pour acquis que tout le monde est familier avec les textes d’Ottavio Rinuccini (1562-1621) et Scipione Agnelli (1586-1653) !
C’est là une lacune majeure puisque Jordi Savall lui-même m’expliquait en entrevue, il y a trois semaines, que le grand legs de Monteverdi est justement de mettre l’accent sur l’expression de la parole chantée, à travers le recitar cantando.
Plus encore, ce n’est que vers la fin du concert que Jordi Savall nous a enfin adressé la parole et encore là il l’a fait surtout en anglais. Le musicien avait d’ailleurs opté pour la langue de Shakespeare, lors de son concert à la Salle Bourgie en 2019.
Pourtant, lors d’un entretien accordé à la Faculté des Lettres de la Sorbonne, (voir cet enregistrement vidéo à 45 minutes 13 secondes), monsieur Savall s’élève contre le fait que l’anglais soit en train de s’imposer partout en Europe, au détriment des autres langues. Alors, pourquoi privilégier l’anglais à Montréal, deuxième ville francophone en importance au monde après Paris ?
Quoi qu’il en soit, lorsqu’on va au concert, on s’attend à ce qu’il y ait une rencontre avec les artistes sur scène. Malheureusement, ce soir, on a le sentiment que la rencontre n’a pas eu lieu.
Claudio Monteverdi – Révolution / Les larmes et le feu des muses
Jordi Savall avec La Capella Reial de Catalunya et Hespèrion XXI
Concert présenté à la Maison symphonique, le 7 octobre 2024
*Crédit photo : Adam Mlynello
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