Les créateurs de la pièce La démagogie des dragons ont tous deux grandi au Québec, sans autre lien avec leur héritage asiatique que leur penchant pour la cuisine vietnamienne. Peut-on s’identifier à un territoire que l’on ne connaît pas ? C’est l’une des questions que soulève l’autrice Tamara Nguyen, née d’une mère française et d’un père vietnamien. Elle a transposé, sur scène, son histoire et celle de Vincent Kim, né d’une mère québécoise et d’un père vietnamien. Ce comédien qu’on a vu, entre autres, dans les séries La faille et M’entends-tu? signe la mise en scène de cette «expérience théâtrale où le rire devient un outil de résilience face au chaos de l’identité.»
Brouiller les pistes…
À 32 ans, Vincent Kim a déjà une feuille de route très diversifiée. D’abord formé comme interprète en violon classique, on a pu l’entendre comme choriste dans des productions de la compagnie BOP (Ballet-Opéra-Pantomime), dont un opéra de chambre de Benjamin Britten, mis en scène par Marc Béland.
Diplômé en interprétation de l’École de théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe, en 2018, il a fait sa première apparition au cinéma dans le film Fabuleuses, de Mélanie Charbonneau, sorti en 2020. Plus récemment, on l’a vu camper le rôle de Will dans la série parodique Complètement lycée, sur les ondes de Noovo.
«L’idée qui est au coeur de La démagogie des dragons, c’est d’aborder la question de l’identité, d’un point de vue d’enfant d’immigrant. En ce qui me concerne, je suis né ici et mon bagage culturel est québécois. Mon père n’a pas voulu m’inculquer la culture vietnamienne. Mais, mon visage est asiatique et à chaque audition que je passe, c’est surtout à cette différence qu’on s’intéresse. En fait, on s’attend à ce que je représente une culture qui ne fait pas vraiment partie de moi.»
De son côté, l’autrice résume ainsi sa démarche: «Avec cette pièce, je n’ai pas eu envie de m’apitoyer, de me défendre, de me mettre en colère ou de militer. J’ai eu envie de rire à gorge déployée.»
Tamara et Vincent ont voulu montrer les stéréotypes qui pèsent sur les artistes d’origine asiatique. «On s’attend de nous à ce qu’on puisse éduquer ! J’me sens pas qualifié pour éduquer qui que ce soit sur la culture vietnamienne! Tout ce qu’on dit va être pris pour du cash!», ajoute le metteur en scène.» C’est justement cette incitation à la démagogie qui est évoquée dans le titre de la pièce.
À la source
Puisque leur spectacle porte en partie sur le Vietnam, pays où le dragon est un puissant symbole, l’autrice, le metteur en scène et les comédiens Claudia Chan Tak et Dominick Rustam sont allés passés 12 jours dans de grandes villes vietnamiennes, dont Hanoï et Saïgon, grâce à une subvention du Conseil des arts du Canada.
«C’était la première fois de ma vie que j’allais au Vietnam. Tamara aussi. On a filmé des images pour le spectacle. Cela dit, on ne parle pas le vietnamien. Même si j’ai été dépaysé, une partie de moi se sentait à sa place. Je reconnaissais mon père dans certains visages. J’ai ressenti une certaine connexion avec ce pays et l’envie d’y retourner.»
C’est donc le résultat d’un travail de longue haleine qu’on s’apprête à présenter au public, puisque La démagogie des dragons a aussi bénéficié d’une résidence de recherche-création pour la diversité culturelle, au Théâtre Aux Écuries entre décembre 2022 et juin 2023.
«C’est ma première mise en scène. Je suis très curieux de voir, entre autres, les réactions des spectateurs qui sont des enfants d’immigrants et qui vivent cette dualité. Et n’oublions pas que cette pièce est une satire mordante sur l’accident identitaire qui nous caractérise tous les quatre!»
La démagogie des dragons
Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui
Du 16 septembre au 11 octobre
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