La Grande Licorne ouvre sa saison automnale avec une pièce qui nous tient en haleine durant près de deux heures. Mais qui est donc ce mystérieux garçon qui s’assoit toujours dans la dernière rangée de sa classe et qui finit par entraîner son professeur de littérature dans une mésaventure teintée de voyeurisme ?
Le personnage central est incarné par Vincent Paquette qui s’est distingué dans la pièce Royal chez Duceppe, le printemps dernier. Le comédien excelle à nouveau dans la peau du Garçon de la dernière rangée, un spectacle qui a remporté le Prix de la meilleure mise en scène, remis par l’Association québécoise des critiques de théâtre, à Québec, en 2023. Dès le premier quart d’heure, on est emporté par cette intrigue où la comédie nourrit le suspense…
À moins d’avoir vu le film Dans la maison, de François Ozon, qui est une adaptation de cette pièce du dramaturge espagnol, Juan Mayorga, bien malin qui pourrait deviner la tournure que prendra cette énigmatique histoire, dont l’adaptation québécoise est de Maryse Warda.
Tout commence par les doléances de Germain, un professeur condescendant et déçu par la pauvreté des textes que lui remettent ses étudiants, à l’exception de Claude (Vincent Paquette). Ce dernier a le sens du suspense. Il décrit, parfois avec cynisme et mépris, la vie familiale d’un camarade de classe qu’il visite régulièrement et il termine chacun de ses inquiétants récits par les mots : «à suivre».
Hugues Frenette est convaincant dans son rôle d’enseignant à la fascination presque malsaine pour le talent de son élève qu’il encourage à poursuivre son histoire, même si elle soulève de graves questions éthiques sur le respect de la vie privée et sur l’imputabilité des artistes.
De son côté, l’audacieux Claude, fin renard, n’hésite pas à recourir à la manipulation pour multiplier les rebondissements qui captivent Germain, tout en suscitant de l’intérêt et de la méfiance chez son épouse.
Devant cette démonstration du pouvoir de l’écriture et de l’imagination, les spectateurs deviennent aussi des complices de l’opportunisme de ce talentueux écrivain en devenir.
En effet, ceux qu’il épie ne se doutent de rien. Son confrère de classe (Samuel Bouchard), de même que les parents de ce dernier (Charles-Étienne Beaulne et Marie-Hélène Gendreau) sont d’ailleurs criants de vérité en famille de la classe moyenne qui ne se pose pas trop de questions et qui baigne dans le matérialisme. Le père et le fils sortiront toutefois les crocs quand ils découvriront la supercherie de l’insatiable Claude.
Tout cela envoûte le professeur, jusqu’à ce qu’un ultime coup de théâtre ne vienne le faire déchanter à son tour !
La mécanique de cette pièce est servie par six comédiens impeccables. Chacun contribue, à sa façon, à soulever des réflexions sur les limites de l’acceptable en littérature. On s’interroge aussi avec une pointe d’humour sur le sens des oeuvres d’art, à travers les questionnements de la conjointe du professeur (Lorraine Côté) qui travaille dans une galerie d’art non rentable et menacée d’une fermeture imminente.
À l’aide de quelques éléments de décor, les metteurs en scène Christian Garon et Marie-Josée Bastien nous transportent dans les divers lieux où se déroulent les péripéties engendrées par Le garçon de la dernière rangée. Essentiellement, des cordes blanches suspendues évoquent un mur que les comédiens traversent, comme si cela venait ajouter à la double perception de cet univers où l’imagination transforme tout. Ultimement, le public est à la fois observateur et observé dans ce jeu de miroirs dont on ne sort pas indemne !
Le garçon de la dernière rangée
Texte : Juan Mayorga
Adaptation québécoise : Maryse Warda
À La Licorne, du 27 août au 14 septembre
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