On présentait, vendredi soir, le deuxième concert de l’intégrale des lieder de Schubert qui se poursuivra, au cours des quatre prochaines années, à la Salle Bourgie. À la manière de Schubert à son époque, Rachel Fenlon chante en s’accompagnant au piano, des leader de ce grand romantique, entrecoupés de chants traditionnels, arrangés par Benjamin Britten. Au cours de son récital d’environ 90 minutes, l’artiste chante en allemand, en anglais et en français. Non seulement elle est à la fois chanteuse et pianiste mais, il n’y a pas de tourneur de pages, car elle a tout appris par coeur ! Phénoménale !
Du printemps à l’hiver
Après s’être chaleureusement adressée aux spectateurs en français et en anglais, Rachel Fenlon s’installe au piano, la tête penchée sur le clavier, un peu comme le fait parfois Catherine Major. Telle une autrice-compositrice-interprète, la soprano-pianiste donne à Schubert (1797-1828) et Britten (1913-1976) une allure très actuelle.
Avec une grande intensité, elle se lance avec Im Frühling (Au printemps), une pièce du maître incontesté du lied. Grâce aux surtitres, on comprend que cette oeuvre pose un regard métaphorique sur les changements de la nature évoquant les sentiments parfois éphémères qui font souffrir les humains. Tout naturellement, on passe à Die Vögel (Les oiseaux), qui célèbre la joie et la liberté des volatiles.
Déjà, la voix puissante et d’une grande souplesse de cette artiste audacieuse nous touche droit au cœur ! Puis, on reste coi devant tout le savoir-faire déployé dans les changements d’atmosphères saisissants de Ganymède, lied composé sur un poème de Goethe. Cet hymne à la nature commence calmement; mais, les tourments ne tardent pas à émerger et l’accompagnement au piano devient tendu, alors que la voix est presque haletante !
Comme si ça allait de soi, on fait un bond d’un siècle avec la poignante chanson The Salley Gardens, arrangée par Benjamin Britten. De ce même arrangeur, on entendra aussi The last rose of summer et quelques chants en français. Un thème cher à Schubert trouve écho dans Il est quelqu’un sur terre, avec ses figures répétées au piano qui évoquent le passage du temps.
À travers son programme bien construit et diversifié, l’inteprète réussit à passer de l’univers léger de Fileuse, chansonnette paillarde, aux Litanei auf das Fest Allerseelen qui se concluent dans la tristesse des âmes qui rejoignent l’éternité.
Malgré ses grands talents de soprano et de pianiste, ainsi que l’indéniable originalité de sa démarche, madame Fenlon nous laisse un peu sur notre faim. C’est qu’on ne voit pratiquement jamais son visage, pendant qu’elle chante, notamment, les intenses textes poétiques des lieder. Interpréter ces poèmes profonds passe aussi par l’expression du regard et les gestes qui contribuent à créer l’émotion d’un concert.
Cela dit, madame Fenlon a dû interrompre son récital durant plusieurs minutes, en attendant que les secours arrivent pour une spectatrice qui a eu un malaise. Pas facile de rétablir le courant, après une telle interruption !
Ajoutons qu’il n’y avait pas beaucoup de mélomanes au rendez-vous. À l’oeil, disons que le tiers des sièges de cette salle d’environ 460 places avaient trouvé preneurs.
Le lied de Schubert à Britten
Concert de Rachel Fenlon, soprano et pianiste
Présenté le 4 octobre 2024, à la Salle Bourgie
Enfin, on a hâte d’écouter le premier disque de Rachel Fenlon qui sortira le 11 octobre et qui s’intitule Winterreise (Voyage d’hiver), un cycle de mélodies pour voix et piano de Franz Schubert. Madame Fenlon serait la première artiste à enregistrer ce chef-d’oeuvre, en tant que soprano s’accompagnant elle-même au piano. Album publié chez Orchid Classics.
*Photo d’accueil tirée de la page Facebook de Rachel Fenlon.
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