La Salle Bourgie a ouvert sa saison 2024-2025, mercredi soir, avec un poignant concert intitulé Schubert: le rêve. Près de 200 ans après la mort de cet illustre compositeur autrichien, sa musique fascine toujours, notamment, de jeunes artistes. La soliste de cette soirée était nulle autre que la mezzo-soprano Ema Nikolovska, nommée artiste de la nouvelle génération de la BBC pour la période 2019-2022. L’Orchestre de l’Agora était dirigé par Nicolas Ellis, qui semble, lui aussi, promis à une carrière internationale, le jeune trentenaire ayant été nommé directeur musical de l’Orchestre national de Bretagne.
Ce programme, alliant des lieder et des extraits de symphonies de Schubert, était entrecoupé d’interventions du comédien Émile Proulx-Cloutier. Le récitant nous a entraîné dans l’univers tourmenté d’un texte où le compositeur aborde plusieurs des thèmes de son oeuvre.
Le public qui remplissait la Salle Bourgie a suivi avec une grande attention ce programme parsemé d’oeuvres célèbres de Schubert. L’Allegro moderato de la Symphonie no 8 et le 3e entracte du ballet Rosamunde, entre autres, nous ont permis de savourer les nuances infinies de ces partitions, grâce à l’excellence de maestro Ellis et ses musiciens.
Pour sa part, madame Nikolovska, chanteuse canadienne née en Macédoine du Nord, a fait preuve d’un puissant magnétisme à chacune de ses interventions. En plus de son riche timbre, la mezzo-soprano est remarquablement à l’aise dans un registre aigu. Elle a aussi une forte présence sur scène, comme on a pu le constater, entre autres, dans les lieder Der Zwerg (Le nain) et Erlkönig (Le roi des aulnes). Ces deux chants exigent de la chanteuse qu’elle adopte plusieurs intonations vocales distinctes pour différencier les personnages du récit et le narrateur. Interprétation fascinante!
Inédit
Alors que les lieder de Schubert ont été composés pour piano et voix, on a plutôt choisi de les présenter dans des arrangements pour orchestre de Berlioz et Webern, notamment. Il faut dire que la richesse de l’écriture de la partie de piano de ces lieder continue d’inspirer des orchestrateurs d’aujourd’hui.
Cette soirée nous a d’ailleurs permis d’entendre quatre lieder dans des arrangements du compositeur, Ian Cusson, originaire de la communauté métisse de la baie Georgienne. Ainsi «rhabillés», les lieder se transforment en opéras miniatures.
Plus encore, on nous a offert, en première également, la transcription sans paroles pour orchestre à cordes du quatuor vocal Die Nacht. Cet hymne à la nuit s’est avéré envoûtant dans cette nouvelle mouture, signée Nicolas Ellis.
Rêve tourmenté
Pour sa part, Émile Proulx-Cloutier a su toucher le public en se glissant, en quelque sorte, dans la peau de Schubert, homme angoissé, décédé à l’âge de 31 ans. Le comédien sensible et à la diction sans failles a récité des extraits d’un texte écrit par le compositeur, en 1822, au sujet d’un rêve qu’il dit avoir fait. À vrai dire, le rêve se confond avec la réalité, puisqu’on aborde dans ce récit des thèmes centraux du maître incontesté du lied : la nuit, le voyage, la solitude, l’association de l’amour et la douleur, etc.
Monsieur Proulx-Cloutier était placé parmi les musiciens de l’orchestre, mais, compte tenu de son rôle central dans cette soirée, on aurait apprécié qu’il soit plus visible. Cela dit, le choix qui a été fait est défendable, puisqu’on a vraisemblablement voulu préserver une part de mystère dans cet univers de rêve.
À en juger par la longue ovation qui a suivi ce concert, la direction de la Salle Bourgie a réussi son pari! Rappelons que ce concept original donnait le coup d’envoi à la présentation de l’intégrale des lieder de Schubert, à la Salle Bourgie, d’ici 2028.
Schubert : le rêve
Orchestre de l’Agora
Nicolas Ellis, chef
Ema Nikolovska, mezzo-soprano
Émile Proulx-Cloutier, récitant
Concert présenté à la Salle Bourgie, le 25 septembre 2024
*Crédit photo : Frédéric Faddoul
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