Marc-Yvan Coulombe / BabillArt Montréal
C’est un événement en soi: sept ans après la controverse entourant le spectacle SLĀV, Betty Bonifassi s’apprête à remonter sur scène, au Théâtre Outremont. En plus d’avoir à surmonter, encore aujourd’hui, les impacts psychologiques et financiers de la tempête soulevée par SLĀV, la chanteuse a combattu un cancer et «la chimio m’a brisé les cordes vocales», confie-t-elle en entrevue à BabillArt Montréal. Malgré tout, l’artiste a réussi à retrouver la voix et elle a recommencé à donner des spectacles, où elle raconte son parcours musical, depuis son pays natal, la France, en passant par le Québec et l’Afrique.
«J’ai l’impression que ma vie recommence!»
Chaleureuse et émotive, la chanteuse née à Nice, d’une mère yougoslave et d’un père niçois d’origine italienne, se raconte sans détour. «En 2022, je suis partie en Afrique et je suis devenue professeure de musique, à Dakar, pour un salaire misérable», souligne-t-elle avec humour.
«Peu de temps après mon arrivée au Sénégal, j’ai ressenti un malaise. Heureusement, j’ai été traitée par une médecin très consciencieuse et on m’a finalement diagnostiqué un cancer du sang. Je suis tout de même restée là-bas durant un an, avant de rentrer à Montréal, en novembre 2023, pour recevoir des traitements de chimiothérapie, jusqu’en juin 2024.»
Âgée de 54 ans, Betty Bonifassi se réjouit d’avoir surmonté cette épreuve, du moins, pour l’instant. «On m’a dit qu’on a réussi à endormir la bête mais qu’elle pourrait aussi se réveiller de nouveau.»
De plus, la chimio produit souvent des effets indésirables. «Ces traitements ont alourdi mes cordes vocales. Y’a tout un «level» auquel je n’avais plus accès mais, tranquillement, ça revient.»
Cette reconstruction se fait au quotidien. «Ça m’aide beaucoup de donner des cours de chant. J’ai un grand amour pour ça! On dirait que mes élèves se libèrent à travers nos rencontres. On se concentre, entre autres, sur le diaphragme», dont la connexion avec les émotions et le stress est reconnue car, la tension émotionnelle peut s’y accumuler et affecter la respiration, explique-t-elle.
«Il faut toujours un coupable!»
Tournée vers l’avenir, l’artiste demeure, néanmoins, profondément blessée d’avoir été accusée d’appropriation culturelle. On se souviendra que SLĀV, créé en collaboration avec Robert Lepage, avait été carrément retiré de la programmation du Festival international de jazz de Montréal, en 2018. On a notamment reproché à cette «odyssée théâtrale inspirée des chants d’esclaves» d’être interprétée par un groupe de personnes majoritairement blanches.
Pour sa part, Betty Bonifassi estime avoir été victime de censure, en plus d’avoir servi de bouc émissaire plus que quiconque dans cette affaire. «J’ai été victime de trahison! J’ai subi une injustice! Il faut toujours un coupable! Alors, j’ai tout perdu, y compris ma maison! Des personnes importantes dans ma vie se sont éloignées de moi», poursuit-elle en sanglotant.
«Le côté positif de cette histoire est que les minorités sont sorties de l’ombre. Mais, ces accusations m’ont atteinte droit au cœur car, je fais moi-même partie des minorités, compte tenu de mes origines.»
«Tout est possible! »
Malgré tout, la chanteuse est enthousiaste à l’idée de remonter sur scène, avec ses amis de longue date, Martin Lizotte (claviers) et Alexis Dumais (piano et contrebasse), ainsi que la trompettiste Rachel Therrien.
Au programme: des pièces de Marvin Gaye, Léo Ferré, Otis Redding et, peut-être même, Tom Waits; l’interprète reprendra aussi des titres de ses deux albums consacrés aux chants d’esclaves noirs, en versions acoustiques.
«Ce sera un spectacle simple et sans artifice; ça nous permet d’être libre musicalement».
L’interprète de la célèbre chanson thème du film Les Triplettes de Belleville qui a aussi brillé auprès de DJ Champion et dans le duo Beast, ne demande qu’à renouer avec le public: «Je veux raconter aux gens, en musique, mes 35 ans de chant et d’écriture. Tout cela se fera dans un esprit décontracté! On ne se pose pas trop de limites. Tout est possible!»
Betty Bonifassi, en spectacle au Théâtre Outremont, le 7 novembre 2025, à 20h.
*Photo fournie par le Théâtre Outremont

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