Robert Charlebois est dans une forme remarquable pour célébrer ses 80 ans, accompagné par l’Orchestre symphonique de Montréal ! Sa voix n’a pratiquement pas changé. À ses côtés, la contralto Rose Naggar-Tremblay s’avère une complice désopilante, entre autres, dans Lindberg et Madame Bertrand. Toujours vif d’esprit, Garou Ier nous a bien fait rire avec ses présentations imagées et ses mimiques parfois clownesques mais, il nous a aussi montré un côté de lui qu’on n’avait encore jamais vu ! Porté par les arrangements très réussis d’Hugo Bégin qui renouvellent ses classiques, Charlebois est plus émouvant que jamais!
La soirée commence avec la chanson Deux femmes en or et l’auteur-compositeur en profite pour remercier le regretté Claude Fournier de lui avoir permis d’écrire la musique du «premier film érotico-comique québécois», sorti en 1970. Du coup, on réalise l’ampleur des moyens de ce concert intitulé Charlebois symphonique, une célébration grandiose avec l’OSM.
En plus de l’imposant orchestre dirigé par Jacques Lacombe, on a constitué un chœur de seize voix amplifiées. Grâce à une sono bien calibrée, on ne perd pas un mot, en ce vendredi soir, où la Maison symphonique est bien remplie pour la deuxième des trois représentations offertes.
Avec sa diction impeccable, l’interprète nous fait redécouvrir Le Mont Athos, texte cynique de Marcel Sabourin, enregistré en 1971. Par contre, le chanteur aura un blanc de mémoire dans Mourir de jeunesse, un hymne densément poétique de Gilles Vigneault que Charlebois a mis en musique sur son album Longue distance, en 1976.
Avril sur mars (1973) sera envoûtante, même si le chanteur ne donne plus la note finale aiguë.
Puis, ce sera Sensation (1969), texte éblouissant de Rimbaud que Charlebois devra reprendre, puisqu’il avait commencé à chanter avant la fin de l’intro ! Cela dit, les arrangements symphoniques de cette pièce sont particulièrement somptueux!
Complicité
Ensuite, on découvre la pleine mesure de la complicité que le chanteur a développé avec Rose Naggar-Tremblay. Leur Madame Bertrand (1971) est un bijou, tellement ils sont drôles dans leur recherche de l’âme soeur à travers un courrier du coeur.
C’est toute une époque du Québec qui est ici relatée avec ce jeune veuf qui s’empresse de se décrire comme «catholique et bon pratiquant». De son côté sa future conquête souligne: «Je suis moi-même une très bonne ménagère J’ai travaillé 20 ans dans un presbytère.» Quel duo hilarant!
Et, pour clore la première partie de la soirée, notre homme nous livre Ordinaire (1971) avec une intensité bouleversante! Puis, l’octogénaire se permet d’emprunter la baguette de maestro Lacombe pour terminer la chanson en dirigeant lui-même l’OSM, au grand plaisir de ses admirateurs !
Après l’entracte, le Grand Orgue Pierre Béique résonne pour Terre-Love, une adaptation d’un poème du Français Alfred Jarry, mis en musique par Charlebois en 1971. Le public découvre alors la voix puissante du ténor Frédéric Antoun qu’on entendra aussi dans La fin du monde, une autre pièce à grand déploiement de 1969.
Cela dit, parmi les nombreux temps forts de cette soirée, on se souviendra de la version symphonique de Fu man chu (1972), avec des cuivres rutilants et ce chœur endiablé, répétant : «Chu d’dans», comme une incantation !
Le public, ébloui par tant de magie sur scène, était tout ouïe quand Rose Naggar-Tremblay est revenue pour jouer le rôle qu’avait Louise Forestier dans Lindberg (1968). La contralto allait-elle à son tour se permettre le juron emblématique de cette chanson ? Non seulement elle l’a fait mais, elle s’est aussi lancée dans des envolées opératiques qui ont donné un nouveau cachet au morceau. Spectaculaire !
Après ce moment savoureusement irrévérencieux, le roi de la soirée a voulu terminer tout en douceur avec Je reviendrai à Montréal (1976), qui avait le ton d’une prière accompagnée par l’orgue et l’orchestre. Splendide !
À mon sens, le meilleur était encore à venir! Au rappel, l’octogénaire a offert Ne pleure pas si tu m’aimes (2010), une vibrante adaptation d’un texte de St-Augustin, où le protagoniste nous demande de ne pas pleurer quand il mourra : «Je suis seulement passé de l’autre côté… Ce qu’on a été l’un pour l’autre Nous le sommes toujours Toujours»
Puis, le chanteur n’a pu retenir ses larmes en interprétant Et voilà (2019), où il évoque sa propre finitude, en s’adressant à ses enfants: «Et toi tu vas continuer à briller sans moi C’est la vie, c’est comme ça Oui, toi tu vivras longtemps après moi
Les enfants savent que c’est souvent comme ça» Un grand frisson a parcouru la Maison symphonique!
Pour ma part, j’ai bien dû assister à une vingtaine de concerts de Charlebois au fil des ans et je ne l’avais jamais vu se montrer dans un tel état de vulnérabilité. Décidément, l’homme a changé!
Enfin, Charlebois symphonique est à l’affiche, ce soir encore (24 août). Une autre bonne nouvelle, c’est qu’il y avait des caméras dans la salle. Tant mieux, car ce concert est un joyau de notre culture, à conserver précieusement !
Charlebois symphonique, une célébration grandiose avec l’OSM
À la Maison symphonique les 22, 23 et 24 août / Détails
*Crédit photo: Antoine Saito
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