Les quelque 55 000 personnes qui ont rempli le Stade olympique de Montréal, le 16 août 1984, ont vécu une soirée historique avec Diane Dufresne. Voici pourquoi on en parle encore, quarante ans plus tard!
Après Pink Floyd, les Rolling Stones et autres géants de la musique rock, une Montréalaise allait faire vibrer «The Big O»! Cet énorme défi, aucun autre artiste québécois ne l’a relevé à ce jour.
J’étais présent et même si j’ai assisté à des milliers de spectacles au cours de ma vie, je dois dire que Magie rose occupe une place exceptionnelle dans ma mémoire et dans mon coeur !
De l’oxygène!
Oui, c’était un spectacle imposant ! La journaliste Marie-Christine Blais, citée par Radio-Canada, précise:
«Il y a 120 haut-parleurs, plus de 10 caméras, dont une qui est à bord d’un hélicoptère pour filmer la chose. Il y a des lasers, 120 000 watts de son. Pour vous donner une idée, pour The Police, l’année d’avant, il y en avait 90 000. […] C’est un gros spectacle pour l’époque.»
Il faut rappeler qu’en 1984, on célébrait le 450e anniversaire de l’arrivée au Canada de Jacques Cartier. Le gouvernement du Québec avait alors financé des évènements festifs dont le défilé des grands voiliers à Québec et Magie rose.
Grâce à un budget de 400,000 $ (selon GSI Musique), Diane Dufresne avait invité Jacques Higelin, monstre sacré de la chanson française et The Manhattan Transfer, légendaire groupe vocal américain, aux nombreux tubes internationaux, dont Boy from New York City et Twilight Zone. À noter que ces icônes du doo-wop ont même chanté en français aux côtés de la diva !
Avec Magie rose, Diane Dufresne brise les tabous sur la couleur rose qui devient un symbole d’audace et d’affirmation ! Des milliers de spectateurs portent d’ailleurs du rose, comme l’avait suggéré Diane.
La star fait son entrée avec une traîne de 60 mètres (200 pieds) qui se déroule à mesure qu’elle avance sur une passerelle construite spécialement pour cette soirée et qui traverse le stade d’un bout à l’autre! Une fois arrivée sur scène, elle électrise les spectateurs en scandant Donnez-moi de l’oxygène! La réaction de la foule est fulgurante !
Le parc Belmont
Avec la complicité de la metteure en scène Mouffe, Diane Dufresne a su créer un univers unique, à la fois fantasmagorique et ancré dans notre réalité. On pense, entre autres, à l’évocation du légendaire Parc Belmont avec sa grande roue et son carrousel. Cette démesure et cette douce folie, on les doit aussi au regretté producteur Guy Latraverse, surnommé «le père du show-business québécois».
Bien sûr, il y a eu d’autres méga concerts au Stade olympique de Montréal et j’ai eu la chance d’en voir plusieurs, dont celui de Michael Jackson et ses frères Jermaine, Marlon, Randy, Tito et Jackie, en septembre 1984. Le public québécois a vibré à chacun de ces grands rendez-vous mais, dans le cas de Magie rose, on se sentait davantage concernés, un peu comme si le Québec osait prendre sa place dans la cour des grands, en français. D’ailleurs, j’entends encore des admirateurs et admiratrices en liesse crier de toutes leurs forces: «Vas-y Diane!»
On se souviendra aussi que ce spectacle n’a pas fait l’unanimité. On a reproché au gouvernement de René Lévesque d’avoir subventionné trop généreusement Magie rose. On a dénoncé la mauvaise qualité du son avec probablement plus de véhémence que pour les concerts des stars internationales, où l’acoustique était pourtant loin d’être parfaite.
Certaines critiques frôlaient sans doute la mesquinerie. Comment expliquer pareille attitude, alors qu’une des nôtres marquait notre histoire avec un accomplissement sans précédent?
Il faut dire que tout n’était pas rose au Québec, en 1984, même si la chanson thème des célébrations 1534-1984 s’intitulait «Ohé Ohé». Ce tube de François Cousineau, enregistré par Normand Brathwaite et Martine St-Clair, était sur toutes les lèvres, mais cela ne suffisait pas à faire oublier le mot récession qui devenait obsessionnel dans une province où le taux de chômage oscillait autour de 13 %.
Ce n’était pas réjouissant non plus de constater que, huit ans après les Jeux olympiques de Montréal, on n’avait toujours pas fini de construire le mât du stade. Bref, il y avait matière à débat sur l’utilisation des fonds publics !
Heureusement, le spectacle de D.D. avait été remarquablement filmé par le réalisateur Jean-Jacques Sheitoyan qui en a fait une émission, diffusée à la télévision et qu’on a pu ensuite se procurer sous forme de DVD.
Comme si elle avait été très en avance sur son temps, la Magie rose n’a pas été immédiatement comprise mais, au fil des ans, elle est devenue un évènement mythique qui n’a pas son pareil dans toute l’histoire de notre culture.
Diane Dufresne : Aujourd’hui, hier et pour toujours
Madame Dufresne aura 80 ans le mois prochain et une exposition immersive reflétant sa carrière hors du commun sera présentée, dès le 13 septembre, à Montréal. Tandem Expositions nous promet «une expérience biographique créative entourant la carrière hors-norme de Diane Dufresne».
Rappelons qu’après avoir marqué notre mémoire collective dès le début des années 1970 avec, entre autres, Tiens-toé ben j’arrive! et Opéra-cirque, elle triomphait à l’Olympia de Paris en 1978. L’année suivante, elle incarnait la toute première Stella Spotlight de Starmania, lors de la création de cette comédie musicale de Michel Berger et Luc Plamondon dans la Ville Lumière.
Après toutes ces années, la diva inspire toujours l’innovation, puisqu’elle sera vraisemblablement la première chanteuse québécoise à faire l’objet d’une exposition immersive. D’ailleurs, voici ce à quoi on peut s’attendre, selon ce qu’indique l’équipe du producteur Paul Dupont-Hébert, sur le site d’Arsenal, art contemporain:
«…plus de 15 000 pieds carrés seront dédiés à la mise en valeur de l’œuvre et du legs de cette grande dame de la scène… De nombreux éléments audiovisuels (spectacles et vidéoclips), archives personnelles, albums remasterisés et artefacts de 1966 à aujourd’hui mettent en lumière le riche héritage de cette artiste québécoise légendaire…»
Diane Dufresne : L’exposition immersive, à l’Arsenal, du 13 septembre au 13 octobre. Détails et billets.
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