La spectaculaire exposition Diane Dufresne, Aujourd’hui, hier et pour toujours, est à la fois émouvante et réjouissante ! À travers des documents qui s’échelonnent sur une soixantaine d’années, le commissaire Richard Langevin, conjoint de madame Dufresne, illustre le parcours exceptionnel de cette avant-gardiste qui a fait rocker le joual et marqué notre histoire. Seule artiste du Québec à avoir tenu l’affiche au Stade olympique de Montréal, elle cassait la barraque à l’Olympia de Paris dès 1978, en plus d’être l’inoubliable Stella Spotlight de la toute première version de Starmania, avant de poursuivre sa route jusqu’au Japon.
Avec son sens de l’humour et de l’autodérision, la dame qui aura 80 ans le 30 septembre prochain, a d’ailleurs répondu spontanément aux questions des journalistes, tout au long d’une généreuse visite de presse de plus d’une heure. Compte rendu d’une exposition hors du commun !
Un costume comme porte d’entrée !
Les visiteurs font leur entrée à travers la «Robe théâtre», signée Michel Robidas et mise en lumière lors du spectacle Top secret (1986). Aussitôt qu’on a franchi cette porte, on est aspiré par la démesure de plusieurs spectacles de la diva, dont J’me mets sur mon 36, présenté au Forum de Montréal en 1980 et, bien sûr, Magie Rose, au Stade olympique en 1984.
À l’aide de 14 projecteurs, c’est tout un chapitre glorieux de la chanson d’ici qui renaît à travers une immersion à 180 degrés. Grâce à un casque d’écoute, on retrouve la Diane des grands soirs, avec sa prodigieuse étendue vocale ! On peut même vivre ce voyage dans le temps, en s’assoyant sur de véritables bancs du Stade olympique peints en rose !
Douce folie et rigueur
Artiste entière, Diane Dufresne écrivait elle-même ses mises en scène en détails, précisant jusqu’aux éclairages et effets spéciaux correspondant à chaque chanson. On peut d’ailleurs voir, pour la première fois, certains de ces documents écrits à la main par cette grande perfectionniste qui résume ainsi sa motivation première:
«Quand j’écris quelque chose, je l’écris toujours pour le public. Je rêve de ce que le monde pourrait rêver et ce qu’il aimerait voir. Je me mets toujours à la place du public! (…)
Je ne suis pas sociable, je ne sors pas beaucoup, mais quand je sors, je pense au monde. Et ça, le public le sait ! (…) Dans la vie, je ne suis pas nécessairement quelqu’un de très sophistiqué, mais sur scène, oui. Parce que c’est là peut-être qu’est le rêve.»
Des costumes pour briser des tabous
Dans la salle suivante, on retrouve des tenues de scène emblématiques de la diva, dont sa robe «Magie rose », conçue par Mario Di Nardo, sa robe «Symphonique & Roll » de Michel Robidas et celle de ses spectacles avec Les Violons du Roy, signée Marie Saint Pierre. Cette collection unique a d’ailleurs failli s’envoler en fumée lors d’un incendie survenu chez madame Dufresne en 1994.
Heureusement, on a sauvé ces pièces très significatives pour plusieurs générations d’admirateurs de la fougueuse interprète. Ces robes sont suspendues dans une sorte de carousel qui évoque l’univers du cirque de l’iconique chanson Le parc Belmont.
«En me costumant, je donnais en quelque sorte la «permission» au public de s’exprimer en se costumant aussi», dit-elle. «Je voulais briser des tabous que je trouvais injustes envers certaines personnes. Je pouvais exorciser sur scène certaines choses. J’ai été très critiquée, mais quand je vois ça aujourd’hui, je n’ai pas de regrets.»
Quand aux cris qu’elle poussait sur scène ou sur disque : «Ce n’était pas de la colère. Je dirais plutôt que j’ai crié beaucoup pour les gens qui ne pouvaient pas crier.» Les cris lui permettaient d’aller jusqu’au bout de ses capacités, précise-t-elle: «chanter des chansons, je ne dirais pas que c’est ennuyeux, mais, bon, il y a beaucoup de gens qui chantent… Pour ma part, j’interprète des émotions à travers ma voix… »
Et le Québec releva la tête!
L’audacieuse montréalaise a su se montrer dans des tenues excentriques et osées bien avant Madonna et Lady Gaga. Mais, son assurance fut souvent perçue comme de la provocation et de l’arrogance. Comment une Québécoise osait-elle se produire dans l’immense Stade de Montréal, réservé aux stars anglo-saxonnes comme Pink Floyd ou les Rolling Stones ?
L’exposition nous permet aussi d’admirer une traîne extravagante utilisée pour le numéro d’ouverture de l’émission de télévision Follement vôtre, en 1986. Les lettres DD étaient gravées sur ce vêtement. Une journaliste détractrice de la chanteuse avait alors publié un texte dans un quotidien montréalais, où elle dénonçait la vanité et le narcissisme de la star.
Heureusement, cette époque où les Québécois s’interdisaient de voir grand semble révolue et il est clair que Diane Dufresne a largement contribué à cette évolution collective.
Cette pièce majestueuse de l’exposition est accompagnée de versions instrumentales de succès de Diane Dufresne, interprétées par le pianiste Olivier Godin, directeur artistique de la Salle Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal.
Le fruit d’une longue réflexion
Richard Langevin, conjoint de la chanteuse, souligne qu’il réfléchissait à cette exposition depuis une dizaine d’années. Le commissaire estime que la mise en perspective de la fabuleuse carrière de sa bien-aimée contribue à mettre en lumière divers aspects de l’histoire du Québec.
Après être allée à Paris, en 1965, pour apprendre le métier de chanteuse dans de mythiques boîtes à chansons, Dufresne rentre à Montréal, en 1967, année de l’Exposition universelle. Mais il faudra attendre 1972 pour que la révolution Dufresne se mette en place avec l’album Tiens-toé ben j’arrive !, où elle se révèle comme femme libre et lucide. Suivront: Opéra-cirque, Sur la même longueur d’ondes, Maman, si tu m’voyais, Strip Tease, Turbulences, etc. En tout: quatorze albums studio et un quinzième attendu en octobre !
D’hier à aujourd’hui
Avenante et sereine, Diane Dufresne, souligne la chance qu’elle a eue de rencontrer le parolier Luc Plamondon qui lui a été présenté par André Gagnon, alors qu’elle n’avait pas encore 20 ans. Elle mentionne aussi le nom du Frère Jérôme, un professeur d’arts plastiques qui lui a appris que le plus important dans la création est d’être soi-même, quoi qu’on en dise.
On peut d’ailleurs voir quelques-unes des toiles qu’elle a peintes, ainsi qu’un ensemble de sculptures d’argile, regroupant une centaine de petites têtes.
Enfin, la dame raconte ce qu’elle vit aujourd’hui, en répondant aux questions d’André Ducharme dans une vidéo d’environ une demi-heure.
Aucun autre artiste québécois à ce jour n’a fait l’objet d’une exposition immersive aussi flamboyante. À voir absolument!
Diane Dufresne / Exposition immersive
Au centre Arsenal art contemporain, à Montréal, dans le secteur Griffintown
Prolongation jusqu’au 10 novembre prochain
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