«Hamlet»: l’Opéra de Montréal réussit son pari

De grandes voix, un décor imposant, des costumes flamboyants et une «scène de la folie» particulièrement électrisante… ce sont les principaux points forts de l’opéra Hamlet d’Ambroise Thomas, présenté pour la toute première fois à l’Opéra de Montréal. La foule qui remplissait presque la Salle Wilfrid-Pelletier, samedi soir, a d’ailleurs applaudi à maintes reprises les prestations des interprètes de cette riche partition, mise en lumière par l’Orchestre Métropolitain, énergiquement dirigé par Jacques Lacombe. Il y a pourtant un maillon faible dans cette production.

Elliot Madore dans le rôle d’Hamlet

L’adaptation de l’oeuvre emblématique de Shakespeare est, ici, plutôt facile à suivre. Tout le mécanisme dramatique est enclenché dès le premier acte, où l’on découvre Hamlet bouleversé par la mort de son père et le remariage subit de sa mère. Le jeune homme est d’ailleurs visité par le spectre de son père qui lui révèle avoir été assassiné par Claudius, le nouveau mari de sa mère. Hamlet jure alors de venger le défunt.

Malgré sa feuille de route imposante, le baryton canadien Elliot Madore semble manquer de prestance, dans cet univers dont il devrait pourtant être la pierre angulaire. Sa projection, parfois faible, détonne par rapport à l’envergure et la profondeur de son personnage qui soulève le grand dilemme: être ou ne pas être.

Sarah Dufresne dans le rôle d’Ophélie

À ses côtés, Sarah Dufresne brille de mille feux en Ophélie. La soprano relève avec brio le défi d’interpréter À vos jeux, mes amis…, un air vertigineux qu’on écoute sur disque depuis des décennies, notamment, par les légendaires Maria Callas, Joan Sutherland et Edita Gruberova.

En plus de ses notes aiguës spectaculaires et de son contrôle vocal éblouissant, l’artiste originaire de Niagara Falls porte avec tout son corps cette «scène de la folie». Elle danse en donnant l’impression de divaguer, dans un espace trouble et irréel, magnifié par les éclairages de Renaud Pettigrew. Ce numéro a d’ailleurs été le plus applaudi de la soirée!

Nathan Berg en Claudius et Karine Deshayes en Gertrude

Un autre joyau de cette distribution est la puissante mezzo française Karine Deshayes, en Reine Gertrude. Intense comédienne à la diction impeccable, elle incarne les déchirements intérieurs de la mère d’Hamlet. Magistrale!

Après une première intervention plus ou moins hésitante, le baryton-basse Nathan Berg a su donner de l’enverure à son Claudius. Belle prestation, également, du ténor Antoine Bélanger en Laërte. Le Spectre est saisissant grâce à l’interprétation de la basse Alain Coulombe. Quant au baryton-basse, Alexandre Sylvestre, il tire bien son épingle du jeu en Horatio.

L’imposant chœur d’une quarantaine de chanteurs, préparés par Claude Webster, contribue grandement à la dynamique du spectacle mis en scène par Alain Gauthier. L’entourage d’Hamlet bouge continuellement et le spectateur n’est jamais perdu dans les méandres shakespeariens, car les propos sont illustrés clairement.

Elliot Madore et Sarah Dufresne dans les décors de Frédérick Ouellet

Sans être particulièrement attrayants, les décors massifs de Frédérick Ouellet ont le mérite de se transformer sous nos yeux, en épousant le déroulement de l’action. C’est ainsi que la chambre deviendra un théâtre et même un entrepôt désaffecté!

Bravo à l’Opéra de Montréal qui fait ainsi preuve d’audace en nous permettant de découvrir sur scène cette oeuvre du compositeur français Ambroise Thomas couronnée de succès au XIXe siècle mais qui, par la suite, était tombée dans l’oubli.

Trois autres représentations sont à l’affiche.

Hamlet

Opéra d’Ambroise Thomas

Livret de Michel Carré et Jules Barbier, adapté de la tragédie de Shakespeare

Mise en scène: Alain Gauthier

Avec: Elliot Madore dans le rôle-titre, Sarah Dufresne en Ophélie et Karine Deshayes en Reine Gertrude

Orchestre Métropolitain, dirigé par Jacques Lacombe

À la Salle Wilfrid-Pelletier:

Les 19 et 21 novembre à 19h 30 et le 24 novembre à 14h

Présenté par l’Opéra de Montréal

*Crédit photo: Vivien Gaumand

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