Divertissant, comique et feu roulant sont des mots qui reviennent chez les spectateurs qui ont assisté à la première du Barbier de Séville, à l’affiche, à la Place des Arts, cette semaine. Truffé d’airs connus, ce spectacle nous est servi avec l’approche fantaisiste du catalan Joan Font et de sa compagnie théâtrale, Els
Comediants . Le baryton québécois Hugo Laporte brille en Figaro, dans cette production aux accessoires surdimensionnés, où les traits des personnages sont grossis, un peu à l’image de miroirs déformants qui nous renverraient un reflet de nous-même.
Mélomanes et néophytes seront sans doute conquis par l’univers pétillant de ce spectacle franchement joyeux ! Les personnages aux costumes colorés arriment leurs gestes aux diverses intonations et rebondissements qui caractérisent cette partition enchanteresse de Rossini.
Tous semblent s’amuser dans cette histoire farfelue où le comte Almaviva veut épouser Rosina, une orpheline, protégée par son tuteur légal, le docteur Bartolo. Ce dernier est toutefois bien déterminé à éloigner les prétendants de cette jeune beauté qu’il veut lui-même épouser. Mais, Rosina n’a d’yeux que pour Almaviva!
Alors, l’espiègle barbier et entremetteur, Figaro, viendra en aide aux jeunes amoureux, en multipliant les ruses, manigances et quiproquos, au détriment de Bartolo. Ce dernier est incarné par le baryton Omar Montanari, hilarant dans son rôle de vieillard amoureux et grincheux ! Ce chanteur italien se démarque par sa voix puissante qui réussit à s’imposer dans l’immense Salle Wilfrid-Pelletier.
Avec moins de coffre, l’Australien Alasdair Kent fait tout de même belle figure en Comte Almaviva. L’élégant ténor léger est aussi un acteur raffiné qui sait porter son titre de noblesse.
Quant à Hugo Laporte, qui avait déjà chanté l’air principal de Figaro, Largo al factotum, on savait qu’il possède la grande maîtrise vocale qu’exige cette partition emblématique du répertoire de baryton. Cela dit, on découvre, ici, ses talents de comédien enjoué et pleinement au service de son personnage rocambolesque!
Par contre, Pascale Spinney s’avère une déception dans cette distribution. La mezzo-soprano qui jouait le rôle d’Ebba dans l’opéra La reine-garçon de Julien Bilodeau et Michel Marc Bouchard, est loin d’avoir l’éclat des grandes Rosina. Sa performance vocale manque d’intensité, entre autres, pour Una voce poco fa, un aria grandiose dont l’interprétation a été magnifiée par les plus célèbres cantatrices.
Cette coproduction du Canadian Opera Company avec des partenaires américain, australien et français a déjà été présentée, notamment, à Houston, en 2011, à Bordeaux, en 2012 et à Toronto, en 2015. Parmi ses atouts, on remarque instantanément les costumes aux couleurs vives de Joan Guillén qui collent à cet univers clownesque. Quant aux membres de la troupe Els Comediants, ils jouent des scènes comiques, parfois en parallèle avec les airs chantés, ce qui contribue au dynamisme du spectacle.
L’un des moments les plus drôles de la soirée survient au deuxième acte, alors que le comte Almaviva, déguisé pour duper le tuteur de Rosina, accompagne cette dernière en feignant de jouer sur un clavecin rose surdimensionné. Alasdair Kent et Pascale Spinney sont hilarants dans cette scène mémorable! La précision de leur jeu bénéficie de la grande complicité de maestro Pedro Halffter qui sait guider avec précision l’Orchestre Métropolitain dans ce voyage rossinien des plus festifs !
Cela dit, il n’y a pas de numéro de cirque dans ce spectacle, contrairement à ce qu’indiquent divers textes promotionnels. Cette précision s’impose car on a pu lire, entre autres, un texte publié dans Le Devoir, en collaboration avec l’Opéra de Montréal et intitulé Les arts du cirque propulsent l’opéra vers de nouveaux sommets.
À vrai dire, on a plutôt misé sur les bouffonneries des figurants et c’est très bien ainsi! L’un d’entre eux est d’ailleurs agrippé durant quelques minutes à un lustre suspendu au-dessus de la scène. Amusant!
Enfin, on peut s’interroger sur l’affiche choisie pour représenter cet opéra. On y voit un jeune couple s’apprêtant à s’embrasser à travers une clôture grillagée. Quel est le rapport entre cette image et le joyeux Barbier de Séville qui nous est présenté ?
Quoi qu’il en soit, l’Opéra de Montréal lance sa saison 2024-2025 avec un spectacle rassembleur et réussi! On quitte la salle avec des airs fabuleux en tête et le cœur léger! Trois autres représentations auront lieu, jusqu’au 6 octobre.
Le Barbier de Séville de Rossini
Mise en scène : Joan Font
Avec l’Orchestre Métropolitain et le Choeur de l’Opéra de Montréal, dirigé par Pedro Halffter
Présenté par l’Opéra de Montréal
À la Salle Wilfrid-Pelletier
Le 28 septembre, le 1er octobre et le 3 octobre, à 19h 30, ainsi que le 6 octobre, à 14h
Durée : 2h40 avec un entracte de 25 minutes
Langue : italien, sous-titré en français et en anglais
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